mardi 24 août 2010

Pique-nique : un bonheur parisien


Pendant longtemps, les Parisiens sont sortis de la capitale pour déjeuner sur l’herbe le dimanche. Aujourd’hui, plus besoin de franchir le périphérique. Les pelouses des parcs et les pavés des quais accueillent midi et soir les pique-niques en famille ou entre copains, en petit comité ou en grand comité. Découvrez l'histoire de ce petit agréable bonheur de poser sa nappe.

Impossible de retracer avec certitude l’étymologie du mot pique-nique. Les avis divergent sur son origine, qui serait soit française, anglaise ou allemande. Une chose est sûre : le pique-nique est mentionné pour la première fois dans la troisième édition du dictionnaire de l’Académie en 1740. A cette époque, on « soupe à pique-nique » ou on « fait un repas à pique-nique », ce qui signifie organiser un repas où chacun paye son écot.
Les écrits de Jean-Jacques Rousseau et de Diderot attestent de ces repas que l’on improvise chez des amis et où l’on partage les dépenses. Ils ne sont pas pris en plein air. Par contre, depuis la Renaissance, l’aristocratie raffole des festins organisés dans les jardins des villes ou à la campagne. Traditionnellement aussi, mais par nécessité, les paysans « cassent la croûte » dans les champs.

L’avènement du pique-nique

Ce double héritage, élitiste et paysan, aboutit à la fin du XIXe siècle à l’avènement du pique-nique. Celui-ci est rendu possible par la libération du dimanche, qui offre du temps libre aux classes populaires et l’essor des transports, qui leur permet de se déplacer. Le pique-nique s’impose comme un moment de plaisir gustatif et champêtre partagé avec la famille ou les amis, pris dans la nature, ainsi que le pratiquent déjà les Anglo-saxons. En 1878, Emile Zola évoque le départ en train ou en voiture de 500 000 Parisiens, soit 25% de la population de la capitale, le dimanche, par beau temps. Parmi les destinations prisées : le bois de Meudon, l’île de Sévères, Romainville, Versailles ou Saint Germain-en-Laye.
Au début du XXe siècle, on part pique-niquer avec sa nappe et sa malle garnie d’assiettes et de couverts en fer blanc Le fameux cliché de la nappe à carreaux rouges et blancs posée sur l’herbe est né. Dans les années 1960, le pique-nique dominical, dans la campagne ou la forêt aux alentours de Paris, est un passe-temps toujours très prisé, comme en témoigne le reportage ci-dessus.

Pique-nique des champs et pique-nique des villes

Aujourd’hui, à Paris, le pique-nique se pratique intra-muros. Dans les parcs et sur les quais de la Seine, du canal Saint-Martin ou du canal de l’Ourcq, les habitants se retrouvent entre voisins, amis ou en famille, autour d’un bon panier de victuailles. Manger est un prétexte, ce qui compte c’est être ensemble. Autre élément nouveau : on pique-nique désormais avec des gens que l’on ne connaît pas forcément mais qui sont réunis par un intérêt commun, comme les amateurs de tango, les gothiques, et même les mères divorcées.
Dans les années 1990, les citadins, à Paris ou dans d’autres capitales comme Berlin, se sont mis à investir massivement l’espace public. Pour la géographe Francine Barthe-Deloizy, qui a dirigé le livre « Le Pique-nique ou l’éloge d’un bonheur ordinaire » et seul ouvrage sur le sujet, ce changement s’est opéré progressivement et résulte de deux facteurs. Tout d’abord, une volonté politique de rendre la ville plus hospitalière par une politique de grands travaux et d’aménagement d’espaces verts (les parcs de la Villette et de Bercy, respectivement dans les années 80 et 90), de réinsérer de la nature dans la ville. Ensuite, une envie de retour à la nature qui s’exprime non seulement à travers l’engouement pour les pique-niques, mais également à travers l’intérêt pour les jardins partagés et les AMAP (association pour le maintien de l’agriculture paysanne). L’étroitesse des appartements, la baisse du pouvoir d’achat et l’effet du réseau Internet contribuent aussi à l’éclosion des pique-niques urbains.
Rendez-vous associatifs ou militants, apéros géants ou tout simplement fêtes d’anniversaire sur l’herbe: les « dérivés » du traditionnel pique-nique sont désormais nombreux.

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